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Supprimons le mot « schizophrénie », un terme stigmatisant et un diagnostic discuté

Introduit pour la première fois en 1911 par le psychiatre suisse Eugen Bleuler, le terme « schizophrénie » vient du grec schizo (qui signifie « fendre ») et phren (qui fait référence à l’esprit). Le terme est aujourd’hui employé en psychiatrie pour désigner des troubles psychiques sévères et persistants dont les causes sont encore mal comprises. Les représentations sociales négatives et les conséquences de stigmatisation qui y sont attachées sont bien connues et néfastes, à tel point que les personnes concernées sont susceptibles d’en souffrir davantage que du trouble lui-même.
Les stéréotypes et idées fausses qui circulent sur la schizophrénie sont encore trop souvent relayés par les médias, qui associent schizophrénie et dédoublement de personnalité ou duplicité, schizophrénie et violence/criminalité, ou schizophrénie et extrême dangerosité. La société s’est donc construit une représentation sociale des personnes atteintes de ces troubles particulièrement péjorative, éloignée de la réalité et de leur vécu.
Sur la forme, Jim Van Os – professeur de psychiatrie à l’université de Maastricht, aux Pays-Bas – estime qu’il est nécessaire de changer de vocabulaire pour changer la façon de penser la schizophrénie, et nous a invités, dès 2009, à nous débarrasser de ce terme pour la qualifier. En France, au regard du mésusage outrancier du mot, de l’ignorance de sa définition et de ses conséquences néfastes pour les personnes concernées, une évolution de la terminologie s’impose.
Sur le fond, la fiabilité et la validité scientifique du terme « schizophrénie » font l’objet de vifs débats. En mars 2012, les membres de l’International Society for Psychological and Social Approaches to Psychosis (ISPS) ont voté à une majorité écrasante pour le changement de nom de leur organisation, nommée auparavant International Society for the Psychological Treatments of the Schizophrenias and Other Psychoses. Les deux principales raisons avancées en faveur du changement étaient que le terme « schizophrénie » est stigmatisant et qu’il n’est pas scientifique.
Le Japon est le pays pionnier de cette démarche. En 2002, le mot « schizophrénie » – seishin bunretsu byo (« maladie déchirée de l’esprit ») – a été officiellement remplacé par togo shitcho sho (« trouble de l’intégration »). Le processus, lancé en 1992 par les familles d’usagers, aura mis dix ans à aboutir. Depuis, la proportion de patients informés de leur diagnostic a doublé, passant de 36 % en 2002 à 70 % en 2004.
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